La colère des IUT

le  3 mai 2021
Une réforme oui, mais pas à n'importe quel prix ! Les IUT Auvergne Rhône-Alpes mobilisés ! Lettre ouverte à Madame la Ministre de l’Enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation, de la part des Présidentes et Présidents des conseils et des Directrices et Directeurs des IUT de la Région Auvergne Rhône-Alpes.
Le 03 mai 2021,

Madame la Ministre,
Les quotas des bacheliers technologiques vont bientôt être arrêtés. La procédure de recrutement des futurs bacheliers qui intégreront nos IUT à la rentrée 2021 prendra ainsi fin.
Nous avons manifesté ces dernières semaines notre inquiétude face à votre volonté de porter ces quotas coûte que coûte à 50% dès 2021. Nous nous étonnons du fait que cette volonté n’ait jamais fait l’objet de discussions avec l’ADIUT et l’UNPIUT et que vous ne preniez la peine de la partager autrement que par le truchement des rectorats d’académie ou de la DGESIP. L’importance du sujet nécessite selon nous une annonce publique de votre part et ne peut se contenter d’un traitement simplement administratif.

A l’instar de certaines de nos présidences d’université, nous rappelons que nous sommes fermement opposés à cette mise en œuvre précipitée pour des raisons très factuelles :
Cette marche forcée aura pour conséquence de privilégier une logique de flux à une logique de prise en compte du projet personnel du jeune. Nous refusons de devenir des gestionnaires de cohortes anonymisées et revendiquons de rester des accompagnateurs de chaque jeune accueilli dans ses premiers pas professionnels ;
Cette marche forcée aura pour conséquence de nous placer en porte à faux visà-vis des publics qui n’auront pu être recrutés étant donné qu’il nous a été impossible de leur communiquer les bonnes informations dont ils auraient dû disposer depuis trois ans. Nous refusons d’être accusés de menteurs par omission et refusons d’endosser cette responsabilité ;
Cette marche forcée aura pour conséquence de gommer nos spécificités territoriales en imposant des quotas nationaux décorrélés des réalités de nos territoires et des viviers. Nous refusons de devenir des opérateurs nationaux susceptibles d’appliquer des ordres ministériels parisiens en contradiction avec la réalité de nos territoires ;
Cette marche forcée risque de priver de réussite une partie des jeunes bacheliers qui n’auront pu être recrutés. Nous refusons de rompre le contrat de réussite que l’on passe depuis 55 ans avec les publics que l’on accueille.
Nous tenons également à souligner l’absence de prise en considération de la réussite des jeunes accueillis sous toutes ses acceptions. L’arrêté du 6 décembre 2019 prévoit en effet une volonté de mener les étudiants à la réussite. Mais laquelle ? Nous ne nous considérons pas comme de simples tamponneurs de diplômes mais comme des accompagnateurs de projets individuels professionnels. La réussite se définit pour nous par :
une capacité à recruter des jeunes sur la base de leurs projets professionnels,
une formation de nos étudiants à des savoirs académiques et de compétences susceptibles à la fois d’assurer leur employabilité et de leur permettre de s’adapter et d’évoluer dans un environnement professionnel,
une sensibilisation forte de nos étudiants aux qualités comportementales indispensables à intégrer pour comprendre le monde professionnel,
une propension à former des cadres intermédiaires pour répondre aux besoins des employeurs,
une volonté de faire réussir chaque jeune dans son projet personnel dans un cadre satisfaisant et qui permette à son employeur de le fidéliser.
Au lieu de cela, la marche forcée imposée casse cet équilibre subtil basé sur une adéquation nécessaire entre les profils des jeunes recrutés, les programmes proposés et la prise en compte des attentes du monde professionnel. En effet, nous allons être contraints d’accueillir des jeunes mal préparés dans la définition de leur projet d’études, dans des programmes dont l’écriture n’est pas aboutie et sans avoir associé le monde professionnel à cette réforme qui va l’impacter directement.

Nous ne cautionnerons pas cette marche forcée qui conduit à mener cette réforme à l’envers. Il aurait fallu associer dès l’amont les lycées, les familles et les professionnels à ces réflexions. Au lieu de cela, cette réforme vise à instituer un déterminisme social insupportable qui enferme les jeunes dans des parcours d’études à vie et qui ignore un principe qui nous est cher : celui de l’escalier social qui permet d’accompagner tout jeune volontaire sur la voie de la réussite.

C’est pourquoi, les présidentes et présidents de conseil des IUT comme leurs directrices et directeurs appellent à accepter les propositions de quotas faites par les IUT mais aussi d’engager un travail de fond avec les familles, le monde professionnel et les lycées afin de faire de cette réforme une véritable réussite. Nous sommes certains que de ce travail, pourra émerger une nouvelle méthodologie de travail pour appréhender au mieux les enjeux de la professionnalisation et pour définir en conséquence des quotas qui tiennent compte de la réalité des jeunes et de leurs familles mais aussi des enjeux économiques de chacun des territoires qui maillent notre belle Région.

Etant certains que vous saurez être à l’écoute de nos doléances bien légitimes qui ne sont que l’expression des IUT, du monde économique et des familles, nous vous prions de bien vouloir agréer, Madame la Ministre, nos salutations les plus respectueuses.

Les présidentes et présidents de conseil,
Les directrices et directeurs des IUT de la Région Auvergne Rhône-Alpes.
Publié le  3 mai 2021
Mis à jour le  4 mai 2021